CHRISTIAN DEATH ; La mort en Punkant
Libération 14 Mai 1984


Un entretien à la limite du prétentieux avec le groupe métaphysique de Los angeles. En voie d' européanisation. Sous le signe de L'Invitation au Suicide...
Européen depuis février, Christian Death n'a pas l'air très pressé de retourner à Los Angeles. Déjà deux concerts à Paris (Bains-Douches, La Sébale) ils reviennent avec de nouveaux morceaux (fraîchement enregistrés au Pays de Galles) et un show neuf. Cette fois le décor sera planté, leur designer de scène les ayant rejoints. Leur désir de surprendre est intact, il suffit d'écouter Catastrophe Ballet pour s'en rendre compte. Persister dans le dur et sombre aurait été facile. Ils ont préféré adoucir et éclaircir, en apparence.


Pourquoi avoir choisi un label français?

Gitane : C'est bien plus satisfaisant, esthétiquement parlant.
David : On a vu la pochette du premier album Only Theatre Of Pain et le livret qu'il contient. Mais on a discuté aussi avec des labels anglais et américains.
Valor : Les labels US ne sont intéressés que par le fric.


Le nom du label, invitation au Suicide, vous va bien. Comment peut-on être à ce point obsédé par la mort ?
Rozz : La mort est intéressante. C'est un pas vers autre chose. Je suis curieux de savoir ce qui se passera. C'est une étape vers la connaissance. De toute façon, je saurai à quoi m'en tenir un jour. Pas trop tôt, j'espère... J'ai encore des choses à faire.

La plupart de tes paroles, sur le premier album, tournent autour de la religion.
Rozz : Mes parents sont très religieux. Maintenant, je pense que ce en quoi tu crois n'est pas important, c'est ce qui va se passer qui l'est. Je crois en la réincarnation, mes parents au paradis.

C'est vrai que tu as vécu dans une communauté moyennageuse (rires)?
Rozz : En un sens... oui. C'est l'endroit où mes parents vivent, en dehors de L.A. Ce n'est pas une communauté moyenâgeuse, mais c'est tout petit, les gens y vivent très près les uns des autres.
Valor : L.A. c'est immeuble après immeuble après immeuble. Autour de L.A. c'est le désert avec des pierres. C'est là que vivent les parents de Rozz.


Et tu t'es vraiment fait crucifier sur scène, aussi ?

Rozz : Oui. On avait prévu que ce serait le dernier concert du premier Christian Death. J'avais besoin de le faire, pour moi. A cause de mon conflit interne. C'était la dernière chose à faire pour me libérer.

Une thérapie... Vous semblez tous très proches les uns des autres. Valor, tu parlais de magie. Est-ce que c'est toujours de la bonne magie, ou est-ce qu'il y a parfois de mauvaises vibrations ?
David : On a déjà eu des petits problèmes, mais jamais au point de splitter.

Valor, tu as dit que Rozz "était" Christian Death...

Valor : Il en est le concept, il écrit les paroles. C'est nous qui nous adaptons, avec la musique. C'est très emotionnel.

Votre vie aux USA ?

Gitane : L.A. est une ville trendy
Valor : S'il n'y avait pas tant de pollution, je l'aimerais bien. Mais l'air y est dégueulasse.

La scène musicale ?
David : La plupart des bons clubs ont fermé. Il y en a eu des bons, avec de bons concerts, mais au bout d'un certain temps, ils ont commencés à fermer. La raison principale étant que les punks, à L.A. sont très violents. Les clubs sont situés dans les rues principales, il y a des gens qui vivent autour. Ils ont demandés que les clubs ferment. Un club ouvre, les kids foutent le bordel, le club ferme. Maintenant, il n'existe plus que cinq clubs où tu puisses jouer décemment.

Que pensez-vous des gens habillés en soutane, avec des crucifix partout ?
David : Ils vont être déçus de ne pas voir le christian Death d'il y a deux ans. Devrions-nous être déçus de les voir tels que nous étions, il y a deux ans ? Depuis, on a changé.

On peut supposer que prochainement ils s'habilleront tels que vous êtes maintenant...
David : Ce sera trop tard, on aura changé de nouveau. La chose la plus importante, ce n'est pas ces fringues mais la musique et les paroles de Rozz. Ils feraient mieux d'écouter plutôt que de se polariser sur les vêtements.

Justement, les paroles du nouvel album Catastrophe Ballet...
Rozz : C'est un peu décadent. Quelque chose qui sert à me purifier. Prétendre que le sexe et la décadence n'existent pas est ridicule; c'est ce que font beaucoup de gens. Ils essaient juste de l'ignorer, mais ça fait partie de la vie, comme tout le reste.

Pourquoi ce nom Catastrophe Ballet ?
Rozz : Il faut bien se rendre compte que la vie n'est pas seulement le Bien ou le Mal, elle est faite des deux, Il faut l'accepter et vivre avec. Les apprécier si tu peux. Tu peux tirer autant de plaisir du Mal que tu peux en tirer du Bien. Ça dépend de ce qui t'intéresse.


Propos recueillis par Barbarian
Concert ce soir, Theâtre du Forum des Halles


< back