Gitane DeMone interview
Prémonition #19 Avril 1995
photos: Stephane burlot
Ancienne muse du sieur Valor Kand au sein de Christian Death, Gitane DeMone vole désormais de ses propres ailes -et ce depuis plusieurs années-, avec un goût pro-noncé pour le changement et l'exploration musicale. Dominatrice en tenue latex, Marlène Dietrich de rave-party ou déesse blonde évanescente, celle qui répon-dait si superbement à la voix vénéneuse de Rozz Williams sur Catastrophe Ballet n'a pas fini d'alimenter les fantasmes, à mesure qu'elle multiplie les projets expé-rimentaux et les collaborations audacieuses. Dialogue en toute simplicité avec la vénus de nos rêves de cuir.

Peux-tu nous parler de ton nouveau projet avec Rozz Williams?
Nous avons fait un EP ensemble, qui s'intitule Dream Home Heartache sur lequel il devrait y avoir cinq ou six titres. Le thème général est celui d'une apparence de perfection qui dissimule beaucoup de névroses et de per-versions. Cela sera très atmosphérique, avec des passages plus durs. Il n'y a pas de nom de groupe, c'est juste nous deux...

Cette collaboration signitie-t-elle la fin de ta carrière solo ?
Non, c'est simplement un projet à part. Je travaille actuellement sur mon nouvel album et il y a un live qui sort bientôt. Ma carriere solo reste primordiale.

Justement lorsque tu consi-dères l'intégralité de ta car-rière, comment juges-tu son évolution ?

Étrange (rires), mais progressant dans le sens que j'ai désiré. Cela prend du temps de trouver ce que l'on veut vraiment faire, particulièrement lorsque l'on vient d'un groupe tel que Christian Deatln, où l'on a accès à une grande palette de musiques, d'instrumentations. Il faut alors prendre le temps de découvrir qui vous êtes vraiment en dehors de tout ça, ne garder que certains éléments qui vous sont chers et suivre votre propre voie. En tant qu'artiste, j'aime essayer beaucoup de choses différentes, j'adore explorer les possibilités de la musique... Cela va tou-jours visiblement dans une direction très sombre, mais j'aime tenter différents types d'instrumentations et ce parcours me semble progresser de façon satisfaisante.

Que penses-tu aujourd'hui de ton expérience avec Christian Death ?
Les moments que j'ai le plus appréçiés étaient ceux pendant lesquels Rozz faisait partie du groupe. Après son départ, sa présence m'a toujours beaucoup manquée, aussi bien sur scène que lors du travail en studio. Nous avions une grande complicité lorsque l'on travaillait en-semble au niveau vocal: nos voix allaient très bien ensemble, nous étions toujours ravis d'être en studio. Valor est quelqu'un de très différent il y a en aussi de bons moments avec lui, mais une grande partie de la magie a dis-paru après que Rozz soit parti. Si j'ai choisi de continuer malgré tout avec Christian Death, c'est essentiellement parçe que je ne savais pas quoi faire d'autre et que je devais d'abord tnouver mon chemin pour sortir de là.


Quelle était la grande différence entre le travail avec Rozz Williams et celui avec Valor ?
Valor est quelqu'un qui aime avoir un grand contrôle sur les choses. Rozz préfère expé-rimenter. Après que Rozz soit parti, Valor a établi des règles très précises de ce qu'il vou-lait faire passer à travers toute la philosophie du groupe. Rozz est un peu comme moi : il explore continuellement ce qui est à aa por-tée, ce qui est dehors, ce qui est au-delà, ce qui est caché... A travers la musique, lui et moi avons exploré ensemble, vocalement, ce qui était bien, ce qui ne l'était pas, nous avons inventé des choses... Valor possède davan-tage une philosophie très claire et une di-rection à suivre qu'un esprit d'exploration, une curiosité pour aller voir ce qu'il y a au coin de la rue...

Comment en es-tu arrivée à travailler avec Rozz Williams et Valor au début de Christian Death?
Rozz avait formé Christian Death depuis quelques années à Los Angeles. Valor, David Glass et moi étions alors dans un groupe ap-pelé Pompei 99 et nous avions donné quelques concerts avec Christian Death. Un jour, nous avons organisé une fête pour la sortie de notre album et Rozz y est venu. C'était d'ailleurs très bizarre car il était habillé comme une femme, avec des lunettes noires... Je ne l'ai même pas reconnu car il se travestissait tout le temps. Il aimait beau-coup le disque que nous avions fait et il a passé de longs moments à discuter avec nous. Il n'était pas très satisfait de son groupe et des musiciens qui jouaient sur Deathwish et Only Theatre Of Pain. Il venait de les virer et en cherchait d'autres. David et Valor ont alors beaucoup discuté avec Rozz, qui voulait que nous le suivions pour le prochain Christian Death. À l'époque, j'étais enceinte de mon fils, et donc je ne savais pas très bien ce que j'allais pouvoir faire. David et Valor ont décidé de suivre Rozz, et il a voulu que je joue du synthé et que j'assure les backing vocals. C'est ainsi que tout a commencé...

Que penses-tu de ce qu'est devenu Christian Death aujourd'hui entre les mains de Valor ?

J'ai un petit problème avec tout ça... Une des raisons pour lesquelles j'ai quitté le groupe était que je n'étais plus intéressée par la direction que la musique prenait. Je ne veux pas critiquer Valor, mais je ne suis pas intéressée par la direction musicale qu'il a empruntée. J'ai écouté les albums et je m'attendais à beaucoup mieux, car il met quand même énormément de temps pour enregistrer quelque chose. Mais en ce qui me concerne, je m'en fiche un peu, même s'il y a visiblement quelques bonnes choses.

Est-ce que cela ne te dérange pas d'être toujours considérée comme faisant partie du mouvement gothique alors que ta musique n'a plus grand chose à voir avec ce style ?
Non, ça ne me dérange pas. En fait, ma musique est sombre. Le rock gothique est quelque chose qui a explosé il y a plusieurs années. Rester gothique maintenant signifie que l'on refait ce qui a déjà été fait. Pour moi, le style gothique doit pouvoir évoluer et prendre toutes les formes que les nouveaux groupes essaient de lui donner. Je crois que l'on peut parler de musique sombre en général : le rock gothique n'existe plus dans sa forme ori-ginale aujourd'hui, on entend beaucoup de groupes qui ne sont que des copies de ce qu'était le rock gothique des débuts. C'était quelque chose de formidable lorsque c'est arrivé et je suis très fière d'avoir fait partie de ce mouvement. Actuellement, il y a surtout des groupes qui maintiennent une atmosphère sombre et j'en fais partie. Je ne suis plus dans une veine rock, même si j'y retournerai peut être un jour. C'est d'ailleurs quelque chose qui ne me dérangerait pas peut-être que dans les albums à venir, j'aurai envie d'avoir un gros son de guitare bien sale (rires). Mais actuellement, j'ai envie d'expérimenter un peu tout et de créer une at-mosphère sombre.


Sur tes photos et lors de tes concerts, tu utilises toute une imagerie sexuelle et sado-masochiste... Est-ce une façon de faire réagir les gens ou un moyen d'exprimer tes sentiments?
C'est un moyen d'expression personnel. J'ai une fascination très forte pour ce genre de choses depuis plusieurs années. Selon moi, c'est une façon de parler de l'individualisme dans la sexualité et le sexe est quelque chose d'essentiel pour moi. J'ai finalisé cela en faisant mon album "Demonix", dans lequel j'ai mis toutes mes sources d'intérêt pour ce domaine particulier, aussi bien dans l'album que dans les concerts qui ont suivi. Maintenant, j'ai fait le tour de tout ce que je pouvais exprimer sur ce sujet et je me dirige vers d'autres choses avec mon prochain album. Il s'intitule "llluminating shadows" et il mélange une atmosphère électronique avec de vrais instruments: guitare, basse, batterie... Un son d'instruments live, mélangé avec tout ce que je peux obtenir des instrumenrs électroniques.

Christophe Lorentz


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