Rozz
Williams interview
Le
Scatopode #2 (1995)
Rozz Williams est une légende vivante, l'un des
rares héros gothique encore en action aujourd'hui. Avec les années
(mais peut être aussi avec l'alcool et la dope) il faut bien avouer que
le sieur Rozz a pris un coup de vieux. Rozz Williams semble à présent
très las, désabusé, foutiste et c'est avec affabilité (néanmoins amabilité)
qu'il a répondu à nos questions. Et même s'il ne se dit plus du tout intéressé
par le gothique et s'il semble avoir perdu 95% de ses neurones, l'ami
Rozz reste encore bien plus décadent, authentique et sulfûreux que les
pseudos groupes goth aux panoplies trop parfaites qui polluent actuellement
l'Europe (et principalement l'Allemagne). Que Pépé Le Moko se rassure,
il peut rester fan de Rozz !
Quand
avez-vous commencé à vous intéresser à la musique et avez-vous créé Christian
Death ?
Dès l'âge de 9 ans. J'ai fondé mon premiier groupe à l'âge de 11 ans avec
des amis en Amérique. J'ai commencé Christian Death à l'âge de 16 ans
après avoir débuté avec les Upsetters. A l'époque de Christian Death,
je me posais beaucoup de questions pour lesquelles je suis parvenu, dans
une certaine mesure à trouver des réponses. Par la suite, de nouvelles
questions sont apparues. Cela s'inscrit dans une sorte de progression.
Quels sont alors vos sentiments actuels?
Comme je l'ai dit, après avoir trouvé des réponses, je me questionne alors
sur d'autres choses. Cependant, je pense que désormais je considère et
analyse davantage des choses qui sont à l'intérieur de moi-même, des sentiments
personnels tandis que la musique que je faisais avant concernait plutôt
des sujets extérieurs.
Pour ce qui est de la musique, votre son devient de plus en plus Rock
?
Oui, ,je pense que j'exploite â présent davantage mes racines musicales
originelles, c'est à dire ce que j'ai écouté en grandissant. Je veux me
débarasser de l'étiquette de gothique pour définir ma musique. Il est
important pour moi que ma musique soit perçue autrement.
Il semble aussi que la scêne améri-caine utilise
davantage la guitare qu'en Europe...
C'est vrai. Personnellement, je préfère écouter de ta musique qui renferme
de l'énergie, une sorte de force apportée par les guitares. Sinon... je
m'endors presque. C'est bien quelquefois de créer une ambiance, d'instalter
une atmosphère... mais en général la musique que j'écoute reste assez
puissante. Si j'utilise actuellement des guitares, des rythmes cassés,
c'est parce que je fais un retour à ce que j'écoutais à l'époque de Only
Theatre of Pain, c'est à dire une musique plus rock'n roll, du genre D.Bowie,
T-Rex...
Pensez-vous que le public vienne vous voir pour ce que vous faites à présent
et non plus pour votre passé?
J'éspère vraiment que l'intérêt du public se porte sur la musique même
et qu'il ne l'asso-cie pas avec quoique ce soit de mon passé. C'est donc
agaçant lors-que certains en concert réclament Romeo's distress mais je
com-prend cela quand meme. Ces personnes la viennent voir le groupe qu'ils
aiment et c'est ce qu'ils attendent du groupe... Mais en même temps, je
pense qu'il est important que les gens puissent s'ouvrir, puissent évo-luer
et ouvrir leurs oreilles à d'autres direc-tions musicales. Je n'essaie
pas nécessairement de détruire le lien avec le passé mais j'essaie de
progresser, d'aller de l'avant en expérimentant différentes choses. J'ai
aussi plus la foi en ma musique à présent.
Vous vivez à Los Angeles. Pourquoi ce choix ? Est-il
vrai que le mouvement gothique y est très développé?
Je n'ai pas choisi de vivre a Los Angeles. C'est une erreur, je cherche
à aller vivre ailleurs... quand à la scène gothique... je n'ai franchement
pas remarqué de différence étant donné que je ne suis pas en rapport avec
ce mouvement, je reste plutôt chez moi.
Et au niveau de votre public. Avez-vous constaté une différence entre
les euro-péens et les américains?
Oui, il y a une grande différence entre ces 2 publics. A Los Angeles le
public est très blasé, il semble fatigué. Il ne bouge pas et cela est
très ennuyeux pour nous. Le fait de recevoir une certaine énergie de la
part du public est important. Ce genre de feedback je le trouve plus en
Europe qu'aux USA.
Parlons à présent des groupes qu'il y a autour de
vous... Quel est votre but avec Premature Ejaculation ?
C'est juste une forme de thérapie. C'est comme si je pre-nais les sentiments
les plus laids que j'ai au fond de moi--même pour m'en débarasser.
Et quel est votre avis sur Super-Heroines et Mephisto
Walz ?
J'apprécie énornément Super-Heroines. Par contre pour Mephisto Walz...
en fait je trouve leur musique trop lente .. mais je ne connais pas vraiment
ce qu''ils font en ce moment contrairement aux Super-Heroines.
Quant à Shadow Project... pourquoi avoir arrêté
ce groupe après un album aussi bon que Dreams for the dying ?
Je pense que nous sommes allés jusqu'où nous le voulions avec ce groupe.
Eva O a voulu partir dans une direction, et moi dans une autre. On a donc
pensé qu'il était préférable d'arrêter Shadow Project et que chacun aille
vers quelque chose d'autre.
Vous ne ferez plus rien ensemble dans l'avenir?
Eva O est ma femme et je la vois donc souvent. Je suis certain que nons
travaillerons encore ensemble. Mais cela ne sera pas pour Shadow Project.
Cela sera simplement une collaboration.
Pourquoi Cleopatra, votre label, sort-il autant
de CD de Christian Death, Rozz Williams, avec des live, rééditions, compilations,
raretés, démos ? N'est ce pas un peu trop ?
Je ne sais pas. J'ai donné mon accord pour la sortie de quelques unes
de ces productions, mais pas toutes. Certaines sont sorties sans mon accord.
Mais c'est injuste, non?
Oui... mais la vie est injuste. (NDLR il nous dit ça la mort dans l'âme.
..on se retient pour pas pleurer!)
Après votre départ de Christian Death il y a eu
un blanc de 3/4 ans avant que vous ne reveniez sur le devant de la scène.
Qu'avez vous fait pendant tout ce temps et quelles ont été vos motivations
pour faire un corne-back ?
Pendant ces 3/4 années, il y a eu d'autres choses que je voulais expérimenter.
Comme écrire, mais pas de la musique, juste écrire. II y a eu beaucoup
de choses que j'ai ressenties comme étant passées à côté de moi, des choses
que je n'avais pas exploitées. Ainsi j'ai voulu prendre du temps pour
les faire. Je me suis aussi rendu compte que la musique ne pouvait pas
ne plus avoir d'importance dans ma vie. La musique sera toujours une grande
partie de ma vie.
De nombreuses rumeurs circulaient à l'époque sur
vous... notamment celle que vous vous étiez fait crucifier sur scêne lors
d'un concert... était-ce vrai ?
Oui, cela est vrai. J'ai été élevé d'une façon très stricte en ce qui
concerne la religion chrétienne. J'ai ensuite voulu la salir. Je me suis
senti réellement étouffé par cette religion avec laquelle j'avais grandi
et j'ai trouvé ce moyen la pour m'en débarasser.... maintenant je me trouve
dans une sorte de cercle... je suis à nouveau chrétien. (NDLR: On commence
à se poser des questions sur la santé mentale du père Rozz, avant de se
quitter on veut donc en avoir le coeur net.)
Tout à l'heure, Gitane Demone nous a dit qu'après avoir quitté Christian
Death vous étiez disjoncté, que vous aviez pété un plomb...
Mmmh... (il sourit)... je suis toujours disjoncté !
Roger de Wormhout + Nathalie de Bézouce
Gitane
DeMone interview Le
Scatopode #2 (1995)
Gitane DeMone fut pendant longtemps la clavièriste/choriste
du groupe gothique sulfureux Christian Death qui connut son heure de gloire
durant les années 80. Dési-reuse de faire une musique plus personnelle
où elle pourrait mettre en évidence sa passion pour la domination et le
fétichisme, la belle Gitane est partie vivre en Hollande et s'est lancée
dans une carrière solo des plus réussies. Le Scatopode a profité de sa
venue en Belgique pour l'interviewer.C'est une Gitane DeMone toute vétue
de latex qui nous a répondu de façon très franche, après un show des plus
convaincants dans lequel elle nous a éblouis par la beauté de sa voix
et sa manière de manier la cravache.
Comment avez-vous rencontré Christian Death à ses
débuts ? Etes vous toujours en contact avec les anciens membres?
Oui un peu... Valor et David Glass et moi-même avions un groupe (Pompei
99) assez expérimental et Rozz Williams venait de virer tous les membres
de son propre groupe. Valor et David le connaissaient... A ce moment la
nous devions faire une tournee en France. Ainsi, ils ont demandé a Rozz
s'il voulait venir avec nous. Quand Rozz est parti plus tard, nous avons
continue sans lui. Il a alors vraiment peté un plomb et rester en contact
avec lui était devenu très dur. Il était devenu trop dingue. Rozz et David
ont ensuite travaillé ensembles. Ils vivaient ailleurs cependant j'ai
encore quelques contacts avec eux. L'affiche de ce soir est donc assez
amusante (Rozz Williams et Gitane DeMone) (rires).
Pouvez-vous brièvement resumer les raisons de votre départ de Christian
Death et de votre départ de Londres pour Amsterdam ?
J'ai voulu me couper de Christian Death pour quelques temps. Il m'a fallu
un certain temps pour cela à cause de mon implication personnelle dans
le groupe. Quand l'occasion s'est presentée je suis partie à Amsterdam.
J'en avais marre de Londres et j'avais besoin de m'en echapper C'est bien
de vivre à Amsterdam c'est une ville très liberée ou je peux etre moi-mêrne
et faire ma musique.
Dans quel sens Amsterdam est une ville libérée ?
Je veux dire par là que je peux m'habiller comme je le veux, je peux être
qui je veux et je ne suis pas regardée comme une créature bizarre... Il
y a d'autres endroits en Hollande oû c'est le cas, simplement si vous
passez la tête par la fenêtre. Mais à Armsterdam beaucoup de personnes
experimentent au niveau des modes de vie, ainsi que de l'apparenqe personnelle.
La vie est facile pour moi à Amsterdam.
Etiez-vous déjà très attirée par le fétichisme avant d'aller vivre à Amsterdam
?
Oui, depuis 1987.
Et Londres n'est-ce point une ville déjà fort intéressante?
Non . j'ai vécu à Londres pendant sept ans et à la fin j'ai vraiment senti
le besoin de m'en aller. Londres est une ville très contraignante. Par
exemple, les gens de Skin Two avaient fait une soirée. Durant celle-çi,
une fille avait emprunté une porte de secours pour aller prendre l'air
sur un balcon et là, la police l'a arrêtée. Ce n'est pas comme ça maintenant
mais c'est par periodes. Les gens sont plus ouverts à Amsterdam en ce
qui concerne le SM et le fétichisme. Par exemple. mon premier concert
en Hollande a été donné dans le cadre d'un festival érotique. C'était
sur le thème de la perver-sité. il a eu lieu à Nijmegen.
Que signifie pour vous le fétichisme?
J'aime le fétichisme pour le port des vêtements qui s'y prêtent et j'aime
jouer à certains jeux. Pour moi c'est une expression person-nelle, c'est
mon identité. Et comme je veux le montrer, je choisis tout particulièrement
la scène pour cela ou bien les soirées, car il vous est permis de le faire
à Amsterdam. Tout cela me plait, car je suis une personne qui fait des
ex-périences. J'aime avoir des expé-riences sexuelles, et je suis aussi
in-téressée par la psychologie et la façon dont l'esprit fonctionne par
rapport aux émotions.
Votre concert ce soir ne comportait rien de racoleur.
Tout était fait avec subtilité. Que pensez-vous des groupes comme Die
Form qui développent une image plus explicitement sexuelle ?
Die Form sont très brillants. Il se dévouent à ce que je pense être leur
mode de vie. Cependant, ils se sont enfermés dans le SM. Pour ma part,
ce que je fais avec le SM et le fétichisme ne représente qu'une partie
de mon mode de vie, et c'est pourquoi vous en voyez une partie sur scène.
Je ne suis pas quelqu'un qui reste chez soi pour pratiquer du SM toute
la journée avec des gens.
Il y a aussi un message humaniste dans votre musique...
Oui, je suis aussi très intéressée par les êtres humains, par beaucoup
de choses, et c'est ce que je mon-tre en live, au-delà du SM, il y a pour
moi la musique, ce à quoi j'at-tache une importance primordiale. Je veux
en fait combiner musique et SM.
Votre show est très progressif, les accessoires
devenant de plus en plus forts au fur et à mesure du concert. Cela se
termine avec un gode-ceinture sur " Perv " et enfin un double godemichet
sur "Loveless". Par le biais de cefte progression le public entre
peu à peu dans votre univers et toute sensation de vulgarité est évitée?
Oui, je l'espère. C'est la façon dont j'ai conçu mon show. D'abord, je
veux donner aux gens un aperçu du domaine expérimental, se trouvant autour
du thème de la mort, qui est aussi l'un de mes centres d'intérêts, et
puis faire mon chemin à travers différentes facettes de ma personnalité
pour parvenir à la facette sexuelle qui est quelque chose de très fort
pour moi. Elle représente un domaine dont je ne peux m'échapper.
Les réactions du public ne sont-elles jamais négatives
?
J'ai déjà eu cette réaction lors d'un concert donné à Leipzig. Il y avait
beaucoup de teenagers qui étaient allemands, et qui ressemblaient à des
petits américains faisant du skateboard. Ils attendaient le groupe de
tête d'affiche qui était Project Pitchfork. Ce dernier a eu des heures
de retard, et lorsque ce fut mon tour à deux heures du matin, ils ont
détesté mon show ! Ils m'ont encore plus haïe, à cause de mon côté provocateur
et mes cris. Je suis une personne sensible, mais j'ai appris que je pouvais
ne pas être appréciée par tout le monde. Cependant c'est mon concert,
c'est ma performance et personne n'y changera rien.
Votre show est-il différent lors d'une soirée fétichiste
?
Oui, je fais seulement la partie fétichiste. J'ai fais ce show lors d'un
festival érotique en Italie de 3 jours. Je l'ai aussi fais à deux reprises
pendant deux soirées organisées par Demask durant ces deux dernières années.
Parions à présent de musique. Vous avez produit
de la House, du gospel, de l'Electro-jazz, de la musique plus electro-indus
avec Demonix... Vous ne vous limitez pas à un style en particulier. Quels
sont les critères de vos choix?
C'est juste en fonction du moment. C'est par rapport à mon instinct, Je
suis une chanteuse et je pense que ma liberté de choix est par cela justifiée
pour faire ce que je fais, si vous faites partie d'un groupe. vous devenez
connu avec un certain son et vous vous devez alors de continuer de travaIller
avec ce même son, jusqu'à en changer un jour du tout au tout. En tant
que chanteuse, je suis libre d'explorer différents genres et sentiments
musicaux, en ce sens que ces derniers sont liés, Si pour moi ce sont les
sentiments de mélancholies sentiments sombres qui m'attirent beaucôup
dans la musique. Je pense que j'ai conservé cela dans tout ce que j'ai
fais. Mon prochain disque sera plus basé sur des bruits et de l'électronique
mélangés à des sons de basse très particuliers. Tout cela sera énormement
lié aux émotions. J'ai d'ailleurs joué 4 de ces nouveaux morceaux ce soir.
Comment vous est venu l'idée de collaborer avec
Marc Ickx (A Split Second) pour faire Demonix, projet très axé sur le
sexe et la domination ?
Je voulais faire ce CD depuis très longtemps. Pas spécialement avec Marc.
Du Temps de " Heavenly melancholy " je voulais faire un CD fetichiste.
Il m'a fallu beaucoup de temps avant que je me sente enfin prête à le
produire, chose que j'ai ressenti en moi. J'avais prevu de le faire avec
les allemands de Phallus Dei. Mais je n'ai pas pu dominer la situation.
Alors j'ai pensé à Marc, qui était un de mes amis depuis 1989, et lui
ai demandé s'il était intéressé de le faire avec moi. Je savais exactement
ce que je désirais, et là, je pouvais tout diriger.
Vous préférez dominer?
Je suis dominatrice, j'ai été soumise avant, mais ma vraie nature est
de dominer.
Pourtant les textes de votre CD peuvent être interpré-tés
dans les deux sens?
Oui, tout à fait... c'est voulu.
En ce moment, les vêtements fétichistes semblent
être à la mode... Demonix bénéfiera de ce phénomène bien que cela ne soit
pas le but...
Oh, bien sûr que ce n'est pas le but ! Ce phénomene de mode a commencé
juste après que Madonna s'y soit intéréssée. Avec le titre 'Heavenly Melancholy"
sorti en 91, nous avions réalisé une vidéo tres fetichiste avec des masques
intégrals et beaucoup de latex. Une très belle vidéo. Ceci avant que Madonna
n'en fasse. Cependant notre vidéo n'a pas été diffusée. Après ça Madonna
est arrivée. et la mode a suivie... Je pense que pour certaines personnes
le fétichisme est pareil que n'importe quelle autre mode ou tendance.
A Amsterdam, il y a une soirée fétichiste chaque week-end. Cependant les
gens que l'on y trouve, même s'ils ont un look terrible, ne comprennent
pas vraiment ceux qui sont réellement impliqués. Mais cela dit, ça ne
me gène pas. Pendant un moment cela m'ennuyait, mais bon... peut-être
que c'est mieux pour nous dans le sens où nous ne sommes plus autant considérés
comme des monstres... Quoique d'un autre côté, nous aimerions encore paraître
très effrayants !!
Et pour conclure, un message pour les lecteurs du Scatopode ?
Sachez apprécier votre individualité !
Roger de Wormhout/Nath de Bézouce
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